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EMIS 2017 le rapport complet

par | 24.07.2020

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Le consortium du projet EMIS, European Men-who-have-Sex-with-Men Internet Survey, a publié le rapport complet de l’enquête de 2017 en fin d’année 2019. C’est une fois de plus un observatoire intéressant de la santé et de la sexualité des gays en Europe et même un peu au-delà. En effet, 50 pays ont participé et 127 792 personnes ont répondu à l’enquête.

Après le succès de l’enquête EMIS de 2010 et malgré les difficultés de publication des résultats, on attendait avec impatience une réédition, elle a eu lieu entre le 18 octobre 2017 et le 31 janvier 2018. Des résultats préliminaires et partiels en ont été présentés à la conférence mondiale sur le sida d’Amsterdam en 2018 puis une courte synthèse des résultats a été publiée le premier décembre 2018. Et puis le rapport complet est sorti un an plus tard. Mais rappelons de quoi il s’agit.
banniere emis 2017

Le projet EMIS-2017 est né d’un programme de la commission européenne appelé ESTICOM (pour European Survey and Training to improve MSM community Health), un programme trisannuel qui s’est déroulé de 2016 à 2019, financé dans le cadre du programme de santé de l’Union Européenne 2014-2020. L’objectif poursuivi était le recueil de données sur la santé sexuelle des hommes gays, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Europe afin de planifier des interventions de prévention et de soins du VIH et des IST ainsi que d’évaluer l’impact de ces actions.

Le réseau de chercheurs, d’institutions de santé publique, de représentants communautaires et d’activistes qui ont mené ce projet sont à peu près les mêmes que ceux du projet EMIS 2010. Ils sont nombreux. Le projet scientifique a été construit et mené par la London School of Hygiene and Tropical Medecine et la société Sigma Research avec le concours du Robert Koch Institut de Berlin et l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control)

Le questionnaire de l’enquête 2010 a servi de base au nouveau projet, notamment pour assurer la comparaison des résultats, mais il a aussi été actualisé pour tenir compte de nouvelles questions comme la PrEP ou le chemsex. Une collaboration construite avec de très nombreux acteurs locaux (318 partenaires) a permis la mise au point du nouveau questionnaire, puis il a été décliné dans 33 langues pour satisfaire au mieux l’expression et la compréhension dans les pays explorés.

Au bout du compte le questionnaire adopté comporte les éléments suivants :

  • Démographie : 34 modules descriptifs ;
  • Morbidité : 16 modules concernant les aspects de santé notamment mentale et sexuelle ;
  • Comportements : 83 modules concernant l’activité relationnelle et sexuelle des personnes ;
  • Besoins : 22 modules concernant les occasions, possibilités, motivations de comportements à risque ou protecteurs ;
  • Interventions : 35 modules concernant les actions menées par d’autres qui comblent ou répriment les besoins.

Et enfin, les acteurs du web ont été sollicités ou sont venus apporter leur concours pour la diffusion et le recrutement des participants : sites internet des organisations partenaires, réseaux sociaux et surtout sites et appli de rencontre gay. C’est le réseau PlanetRomeo qui a été le premier pourvoyeur de participants dans la plupart des pays (39% du total). Il est suivi par Grindr (20,3%) et Hornet (9,6%). Les autres réseaux de rencontre (Qruiser, RECON, Scruff, Gaydar, Manhunt/Jack’d, GROWLr et Bluesystem comptent pour 9%. Certains de ces réseaux ont été essentiels dans des pays où leur usage est prépondérant notamment pour des questions de langue (Qruiser dans les pays scandinaves). Les réseaux sociaux ont compté pour 7% du recrutement. Enfin, 9% l’ont été par les sites des partenaires publics et privés et la source des 6,1% restant n’a pas pu être identifiée.

Les participants inclus correspondaient aux critères suivants :

  • Hommes vivant en Europe,
  • Ayant l’âge requis pour des relations homosexuelles consenties dans leur pays,
  • Attirés par les hommes et/ou ayant des relations sexuelles avec des hommes
  • Déclarant comprendre la nature et l’objet du questionnaire et consentant à y participer

Le récit du rapport est donc le résultat des réponses données par les 127 792 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) vivant dans 48 pays (toute l’Union Européenne plus trois pays de l’espace d’échange européen, quatre pays de la zone d’élargissement de l’Union Européenne, cinq pays voisins partenaires, et la Russie). La liste des participants fait aussi apparaître des résidents du Canada et des Philippines mais leurs données n’ont pas été incluses à l’analyse qui reste européenne.

Résultats de l’enquête

1. Démographie

En données brutes, le plus gros contingent de répondants vit en Allemagne (23 107). Il est suivi par les autres grands pays d’Europe, Royaume Uni (11 889), Italie (11 025), France (10 996) et Espagne (10 652). Puis échelonné de 6247 à 1003, on a les pays suivants : Russie, Suède, Pologne, Pays-Bas, Suisse, Belgique, Norvège, Grèce, Autriche, Portugal, Hongrie, Irlande, Roumanie, République Tchèque, Turquie, Danemark, Finlande, Israël, Ukraine, Serbie, Croatie, Bulgarie, Slovaquie. Enfin, le nombre de répondants à moins de 1000 (685 à 111) provient des pays suivants : Slovénie, Moldavie, Biélorussie, Lituanie, Chypre, Malte, Lettonie, Liban, Bosnie, Estonie, Macédoine, Albanie/Kosovo/Monténégro (regroupés pour une question de nombre), Luxembourg, Islande. Quelques petits pays n’ont pas atteint le seuil de 100 et ont été intégrés dans les pays voisins. Ce sont : Andorre, Liechtenstein, Monaco, San Marin, Cité du Vatican et Groenland.

L’identité de genre est à 99% homme. Le 1% restant se définit comme homme trans. L’âge moyen de l’ensemble est de 36 ans dans un intervalle de 14 à 100. Cet âge moyen varie notablement selon les pays. Migration : 13% n’est pas né dans le pays dans lequel il vit. De ceux-là, 62% sont nés dans un autre pays d’Europe, 13% en Amérique du sud, 10% en Asie, 8% en Amérique du Nord ou dans les Caraïbes, 5% en Afrique, 1,4% en Océanie. La raison de leur migration est à 44% pour le travail, 27% pour les études, 20% sont arrivés enfants, 16% cherchaient un endroit pour mieux vivre leur homosexualité, 13% pour rejoindre un partenaire. Il y a aussi 2,7% de réfugiés, 2,4% de demandeurs d’asile et 0,6% ont migré contre leur volonté. Les autres raisons comptent pour 8,6%.

Ils ont à 97% un niveau d’étude au-delà de 16 ans (en moyenne 5 ans, 14% plus de 10 ans) et 72% ont un travail. Il y a 14% d’étudiants, un peu plus de 5% de chômeurs, 1,6% de longues maladies et 3,8% de retraités. Sur le plan économique, 17% se considèrent en difficulté financière, 34% ni bien ni mal et 49% dans une situation confortable.

Ils résident à 30% dans une très grande ville (plus d’1 million d’habitants) plus 15% si on baisse la limite à 500 000, plus 22% si on abaisse à 100 000, c’est 20% dans une ville entre 10 000 et 100 000 et 12,5% à la campagne ou dans une agglomération de moins de 10 000 habitants. Ils sont 15% à se déclarer appartenir à une minorité ethnique. Mais l’analyse de ce résultat est très complexe notamment en raison de grandes variations d’interprétation selon les pays et les langues.

Une donnée dans cet ensemble exprime une importante différence entre l’enquête de 2010 et celle de 2017, c’est le nombre d’utilisateurs ayant accédé au questionnaire avec un smartphone. Il est de 67%, variant selon les pays de 85,7% (Pologne) à 35,2% (Moldavie) alors que ce n’était qu’un très petit nombre de répondants en 2010. Mais c’est aussi très dépendant de l’âge : 86% pour les 14-19, l’usage du smartphone se réduit progressivement jusqu’à 33% pour les plus de 65 ans.

S’il y a bien 99% des répondants qui se disent attirés par les hommes, moins de 1% se dit attiré par personne, 5% attiré par les personnes non binaires et 16% par les femmes. 77% s’identifie comme gay et 16% comme bisexuel. Les autres ne se définissent pas dans les catégories usuelles. Ce sont 59% de ceux attirés par les hommes qui s’affichent dans la vie courante. 39% ont un partenaire stable, le plus souvent un homme. 14% n’a jamais eu de partenaire stable, 16% a rompu sa relation dans l’année qui précède et 54% se dit célibataire. Il y a plus d’hommes qui ont payé pour du sexe (18%) que ceux qui se sont fait payer pour du sexe (15%). Mais dans les deux cas c’est le plus souvent quelque chose qui n’a eu lieu qu’une fois.

2. Morbidité

La morbidité désigne toute affection de santé physique ou psychologique mais l’enquête EMIS s’est limité au recueil des données sur les infections sexuellement transmissibles et les problèmes de santé mentale.

Pour ce qui est de l’anxiété et de la dépression, 18% des répondants expriment avoir eu au moins un épisode modéré dans les deux semaines passés et 8% un épisode sévère. 21% ont eu des idées suicidaires dans les deux semaines passées, 6% ont eu ce genre de pensées au moins une demi-journée. On constate en croisant ces données que ces morbidités sont fréquemment associées.

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L’insatisfaction sexuelle concerne 22% des répondants. Là encore on constate une association fréquente avec l’anxiété/dépression.

En utilisant une échelle de mesure spécifique, le données recueillies révèlent que 18% des hommes ont des signes de dépendance à l’alcool. Mais si dans beaucoup de pays elle est comprise en 9% et 18%, elle est entre 19% et 26% en Allemagne, en Suisse, en Autriche, au Royaume Uni, en Islande, en Norvège, en Finlande et atteint 27% à 34% en Irlande et à l’Est, Estonie, Lettonie, Lituanie, Biélorussie, Ukraine et Russie. Une fois encore on constate une association de cette morbidité avec l’anxiété/dépression ou les idées suicidaires.

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Les infections sexuellement transmissibles sont communes chez les hommes qui ont répondu.

Pour l’infection à VIH, 10% des répondants ont un diagnostic positif, dont 1,1% date de moins d’un an et 0,9% ont une virémie non contrôlée. Mais cette moyenne varie selon les régions : de 13 à 16% en Espagne, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Ukraine et Russie, de 9 à 12% en France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Grèce, Turquie, Moldavie et Lettonie et de 8% ou moins dans les autres pays.

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Les pays les plus concernés par les infections récentes sont la Russie et la Turquie (de 3% à 4,6%) et la Bosnie et la Moldavie entre 2 et 3%. Les autres pays sont en dessous de 2%. L’anxiété/dépression sévère est plus fréquemment associée à un diagnostic récent d’infection à VIH.

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Au cours des 12 derniers mois, 4% ont eu un diagnostic de syphilis, 5% une gonorrhée et 5% une infection à chlamydia ou une LGV. Les porteurs du VIH sont plus fréquemment concernés par ces IST que les autres (2 à 3 fois plus).

Pour ce qui est du HPV, 16% rapportent un problème de condylomes anaux. Pour les hépatites, 7% ont une histoire d’hépatite A, 6% d’hépatite B et 2% d’hépatite C. Il y a 1% de co-infection VIH/hépatite C. Pour 9% des personnes avec une hépatite C, il y a eu récidive et pour 3% plus de deux fois. Si la plupart de ces hépatites C ont été guéries, spontanément ou avec un traitement, 14% l’ont toujours et 7% des hommes de l’enquête ne savent pas.

3. Comportements de prévention et à risque

  • Le VIH

La durée entre diagnostic de l’infection à VIH et traitement se réduit avec le temps. Si ce délai était de 45 mois en moyenne pour ceux diagnostiqués entre 2001 et 2005, elle atteint 13 mois chez ceux diagnostiqués entre 2011 et 2015 et elle est de moins de 5 mois pour ceux diagnostiqués en 2016 ou 2017. Les données de cet aspect montrent aussi l’effet des recommandations médicales de traiter vite et fort qui ont été émises entre 1996 et 2000.

Parmi tous ceux qui ne sont pas porteurs du VIH, 7% ont recherché un traitement post exposition (TPE ou PEP), 5% l’ont utilisé et 1% l’a fait plus d’une fois. Cependant 28% des séronégatifs qui ont essayé d’accéder au TPE ne l’ont pas obtenu. Parmi les séropositifs au VIH, 5% ont tenté d’obtenir un TPE, 3% l’ont utilisé une fois, 1% plusieurs fois et au total 35% ont tenté d’obtenir un TPE sans y parvenir.

La PrEP a été essayée par 3% des séronégatifs et 3% l’utilisent actuellement, les deux-tiers en prise continue. Cet usage est très variable selon les pays.

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  • Les hépatites

Les hépatites A et B : 53% des répondants sont potentiellement vulnérables à l’hépatite A et 49% à l’hépatite B. Autrement dit ils n’ont jamais eu la maladie et ne sont pas vaccinés.

  • Le sexe

Dans tout le groupe, 97% ont eu des relations sexuelles avec un autre homme. L’âge du premier rapport est en moyenne de+ 18 ans et l’âge de la première pénétration anale est de 20 ans.

Dans les 12 derniers mois, 35% des hommes de notre étude a eu au moins un partenaire stable sans préservatif, 10% a eu au moins 1 partenaire stable avec qui il a systématiquement utilisé le préservatif, 4% n’a pas eu de relations sexuelles avec son ou ses partenaires stables et 23% n’a pas eu de partenaire stable.

Toujours dans les 12 derniers mois, 41% a eu des relations sexuelles sans préservatif, 27% des relations avec utilisation systématique de préservatif avec un ou des partenaires occasionnels. 9% a eu un ou des partenaires occasionnels mais pas de relations sexuelles et 23% n’a pas eu de partenaire occasionnel. La moyenne du nombre de partenaires occasionnels dans l’année passée varie un peu selon les pays, à 8 en Israël, 7 en France, 5 en Belgique, aux Pays-Bas et en Moldavie le plus souvent entre 2 et 4, et 1 en Croatie.

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Les participants séropositifs au VIH ont eu plus volontiers un rapport sexuel avec un partenaire occasionnel qu’ils savaient séropositif (61% vs 12%) ou un partenaire dont ils ne connaissaient pas le statut (73% vs 59%) que les séronégatifs.

68% des séronégatifs au VIH ont eu des rapports sexuels sans préservatif avec un partenaire occasionnel dont ils connaissaient la séropositivité et qu’ils savaient qu’il avait une charge virale indétectable.

Il est arrivé au moins une fois à 47% des participants d’avoir un rapport sexuel avec une femme, 19% dans les 5 dernières années et 11% dans l’année précédente. L’usage du préservatif dans ce cas est très marqué : pour 43% ce n’est jamais et pour 31% c’est systématiquement.

  • Consommation de substances

L’alcool est la substance psychoactive la plus utilisée. Il l’est par 94% des hommes au moins une fois dans leur vie, par 37% dans les dernières 24 heures, par 70% dans la dernière semaine. Pour le tabac, 34% en a consommé dans les dernières 24 heures et 39% dans la semaine passée. En matière d’usage de drogues, le plus commun est le cannabis. Il concerne 39% au moins une fois et 13% dans le mois passé. Quatre autres substances représentent une utilisation entre 10% et 20%. Ce sont : la cocaïne, l’ecstasy, les amphétamines et le GHB/GBL. Pour les autres drogues incluses dans l’enquête, à savoir la kétamine, le LSD, le crystal méthamphétamine, la méphédrone, les cannabinoïdes synthétiques, les autres drogues de synthèse, l’héroïne et le crack, aucun n’a été utilisé par plus de 1% des répondants dans la dernière semaine, 2% dans le dernier mois et 4% dans l’année passée. Pour ce qui est des substances injectables, il est arrivé à 3% d’utiliser des stéroïdes anabolisants et à 2% de s’injecter des drogues pour se défoncer. Mais ce type de comportements est rare, pour la moitié de ceux qui l’ont fait, c’était dans l’année passée et pour un quart, c’était avec une aiguille usagée.

Le chemsex concerne 15% des répondants. Pour deux tiers d’entre eux c’était dans l’année passée. Le chemsex en multipartenaires est commun mais pour la majorité c’est une pratique à deux et le plus souvent en privé (72%). Interrogés sur la durée de leur pratique lorsqu’il s’agit de chemsex pratiqué en groupe, pour la moitié d’entre eux c’est 4 ans ou moins, pour 15% c’est plus de 10 ans. Mais le fait que pour 20% cette pratique a moins d’un an suggère que c’est une scène dynamique avec de nouveaux arrivants.

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4. Les besoins

Les besoins c’est ce qui pilote les comportements. C’est ce qui existe, qui survient ou qui motive les actions de santé sexuelle autant en positif qu’en négatif. Ce que révèle l’enquête en matière de soutien social, c’est que 7% des répondants n’ont personne de confiance avec qui partager, à qui se confier ou demander de l’aide en cas de réel besoin et 9% ne sont pas intégrés socialement. Plus encore, 12% présentent des signes d’homonégativité internalisée. C’est-à-dire qu’ils ont une perception négative de leur propre homosexualité.
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  • Les besoins en santé sexuelle non couverts

Sur l’ensemble des répondants, 28% ne savent pas qu’une IST se transmet plus facilement que le VIH, 26% a eu des relations sexuelles sans préservatif seulement parce qu’il n’y a pas accès, 22% n’est pas aussi sexuellement protégé qu’il le voudrait, 17% ne trouve pas si facile de refuser une relation sexuelle non souhaitée, 17% ne sait pas qu’une IST peut être asymptomatique, 14% ne sait pas que le VIH peut se transmettre d’un anus ou un vagin vers le pénis, 11% ne sait pas que le baiser et l’échange de salive ne transmet pas le VIH, 4% s’inquiète de sa consommation de drogues.

A propos des vaccinations contre les hépatites A et B, 41% ne savent pas que ces vaccinations sont recommandées aux HSH, 28% ne sait pas comment être vacciné, 25% ne sait pas que ce sont des infections virales ni qu’elles affectent le foie et 17% ne sait pas qu’il existe un vaccin contre ces virus.

Pour ce qui est du traitement post-exposition, 65% ne sait pas que le TPE est un traitement antirétroviral d’un mois, 60% ne croit pas qu’ils pourraient bénéficier d’un TPE en cas de besoin, 50% ne sait pas qu’un TPE doit être démarré le plus vite possible, 45% ne sait pas qu’un TPE peut empêcher une infection au VIH après exposition et 39% n’a jamais entendu parler de TPE.

En matière de PrEP, 80% ne sait pas que la PrEP peut être prise à la demande, 70% ne sait pas que la PrEP est un médicament quotidien qui protège de l’infection par le VIH en cas de rapport sexuel sans préservatif, 49% ne sait pas que la PrEP est pour quelqu’un qui n’a pas le VIH un médicament à prendre avant et après les rapports sexuels pour se protéger de l’infection par le VIH et 37% n’a jamais entendu parler de PrEP.

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Et enfin à propos de dépistage et de traitement, 43% ne sait pas que les personnes séropositives au VIH qui suivent un traitement efficace ne transmettent pas le virus (en anglais, Undetectable=Untransmissible ou U=U), 11% ne sait pas qu’un dépistage du VIH ne révèle pas une contamination des quelques semaines qui précèdent, 9% ne sait pas qu’il n’existe pas de traitement capable de guérir l’infection à VIH, 4% n’est pas certain de son statut VIH.

5. Les interventions

Les interventions, un peu par opposition au chapitre précédent, ce sont les actions qui modifient le cours des évènements. On peut aussi dire que si les besoins sont l’expression des personnes, les interventions sont l’effet des autres sur les personnes. Elles peuvent donc être positives notamment lorsqu’elles viennent satisfaire un besoin ou négatives lorsqu’elles affaiblissent la réponse aux besoins. Le résumé des interventions qui résulte de l’enquête nous apprend les aspects suivants :

  • Atteintes homophobes. Dans les 12 derniers mois, 3% des répondants ont subi des violences physiques, 21% des attaques verbales et 27% des intimidations du fait de quelqu’un ayant su ou présumé de son attirance pour les hommes ;
  • Accès à des préservatifs gratuits. Un tiers des répondants ont bénéficié d’une distribution de préservatifs gratuits de la part d’associations, de structures de soins, de bars ou de saunas dans les 12 derniers mois ;
  • Information sur le VIH et les IST. La majorité (88%) des répondants à cette question a vu une information ciblée vers les HSH à propos du VIH ou des IST dans l’année passée et pour plus de la moitié (57%) dans le dernier mois ;
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  • Usage de substances. Moins de 5% des répondants a pu consulter un professionnel de santé à propos de son usage de drogues ou sa consommation d’alcool ;
  • Offre de PrEP. Moins de 10% des répondants séronégatifs au VIH a vu un professionnel de santé de son pays de résidence aborder avec lui le sujet de la PrEP. Pour autant, 79% des demandeurs de PrEP ont bénéficié de conseils médicaux avant de débuter la PrEP et un peu plus de la moitié a bénéficié d’une ordonnance. Les autres ont accédé à la PrEP de manière informelle, le plus souvent en l’achetant sur internet. Les variations entre états montrent que le pourcentage est notablement plus élevé dans les pays qui ont instauré une prise en charge de la PrEP ou qui l’accompagnent : France, Irlande, Malte, Royaume-Uni ;
  • Dépistage VIH. 56% des répondants a fait un dépistage dans les 12 derniers mois, le plus souvent (deux tiers) dans un établissement de santé. Le dépistage communautaire ne concerne qu’un cinquième des dépistages de l’an passé. Seulement 3% des répondants ont utilisé un autotest. Dans les données par pays, quelques-uns sortent du lot en matière d’autotests : la France, la Biélorussie, l’Ukraine et la Russie ;
  • Cascade de soins. A partir des données recueillies, l’équipe d’EMIS a reconstitué la cascade de soins pour les personnes vivant avec le VIH selon le modèle de l’ONUSIDA dont l’objectif 2020 est d’atteindre 90-90-90 (90% de personnes dépistées, 90% de ces personnes sous traitement, 90% de ces personnes avec une charge virale contrôlée) afin de vérifier au moins les deuxième et troisième « 90 ». Cela a permis d’établir pour le groupe de répondants, que l’objectif était atteint dans les pays de l’Union Européenne de la zone économique européenne et Israël, mais pas pour les pays frontaliers de l’UE, la zone élargie et la Russie ;
  • Le dépistage des IST. Près de la moitié (46%) des répondants a fait un dépistage des IST hors VIH dans les 12 derniers mois. 92% de ces tests consistaient en une analyse d’un prélèvement sanguin (Syphilis et VHC) mais seulement 37% étaient aussi accompagnés de prélèvements muqueux. Il est rare de bénéficier d’un examen clinique génital ou périanal. Mais il n’y a que 13% des répondants séronégatifs au VIH qui ont bénéficié d’un dépistage complet des IST, à savoir dépistage VIH, test sanguin pour les IST, analyse d’urine et prélèvement urétral, prélèvement anal ;
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  • Notification aux partenaires pour la syphilis et la gonorrhée. La plupart des répondants diagnostiqués avec une syphilis ou une gonorrhée indiquent avoir prévenu au moins un partenaire de l’intérêt de se faire dépister. Cependant cette notification se réalise plus volontiers par une personne qui estime que son partenaire connaissait sa préférence pour les hommes ;
  • Vaccinations hépatiques. En dépit des recommandations existantes sur la vaccination contre les hépatites A et B, à peine plus de la moitié des répondants dans la plupart des pays se sont vu proposer ces vaccinations dans un service de santé. 43% est vacciné complètement contre l’hépatite A et 49% contre l’hépatite B.

6. Inégalités de santé

Ce chapitre est un peu la synthèse des précédents dans le sens où il interroge les réponses aux chapitres 2 à 5 (morbidité, comportements, besoins, interventions) selon les groupes de HSH tels que l’on peut les déterminer avec les données du chapitre 1. Autrement dit, il analyse ces réponses selon l’âge, l’identité de genre, l’affichage, le statut partenarial, la migration, le statut VIH, l’usage de drogues et le sexe tarifé.

  • Effets de l’âge

Les répondants de moins de 25 ans se disent en moins bonne santé mentale (anxiété, dépression, tendances suicidaires) et ont une moindre satisfaction sexuelle. Les séropositifs au VIH atteignent moins le contrôle viral. La dépendance à l’alcool est plus fréquente chez les 25-39 ans. Les comportements à risque sexuels sont plus fréquents dans la tranche 40-64 ans mais c’est aussi ceux qui s’engagent le plus dans la protection (traitement antirétroviral ou PrEP). C’est juste l’inverse pour les moins de 25 ans. Ce sont aussi eux qui ont le plus de besoins non satisfaits.

Les interventions profitent le plus aux plus jeunes et aux plus vieux. Mais les moins de 25 ans sont moins suivis lorsqu’ils sont séropositifs, ils sont moins souvent vaccinés contre les hépatites et bénéficient moins d’un dépistage complet des IST.

  • Sexe à la naissance et identité de genre

Les hommes cis déclarent plus volontiers un diagnostic de VIH ou des IST. Les hommes trans ou de sexe féminin à la naissance sont plus enclins à l’anxiété et la dépression sévère, les idées suicidaires et la dépendance à l’alcool. Les partenaires occasionnels ou l’usage de PrEP sont moins fréquents chez les hommes trans que cis. Si l’usage de drogue est homogène, le chemsex est plus fréquent chez les hommes cis. Les hommes trans ont bien plus de besoins non satisfaits dans toutes les catégories.

L’accès aux interventions est bien plus faible pour les hommes trans qui subissent aussi plus d’insultes et d’agressions.

  • Affichage (outness en anglais)

La dépendance à l’alcool et les infections sont plus fréquentes chez ceux qui ont un niveau d’affichage élevé. Cependant la satisfaction sexuelle et le niveau de santé mentale sont plus faibles pour ceux qui sont « out » pour très peu de gens ou personne. Les comportements à risque mais aussi les précautions sont plus fréquentes chez les hommes qui s’affichent. Pour ceux qui s’affichent le moins, le traitement VIH ou la PrEP sont moins fréquents. De même pratiquement tous les indicateurs de besoins sont au plus bas pour eux, ils ont moins confiance, moins d’accès, moins de soutien et plus de problèmes.

Bien qu’ils aient le plus de besoins, les répondants qui s’affichent le moins bénéficient peu des interventions. Ils sont aussi moins victimes d’agressions homophobes.

  • Statut partenarial

Les personnes seules ont une satisfaction sexuelle moindre que ceux qui vivent en couple. La vie en couple stable réduit les niveaux d’anxiété/dépression, améliore la satisfaction sexuelle mais augmente les morbidités. Les répondants qui vivent seuls ou qui disent avoir une relation de partenariat « compliquée » ou multiple ont en moyenne autant de partenaires occasionnels. Cependant ils déclarent autant que les autres des rapports sans préservatif. Les besoins non satisfaits sont plus fréquents chez les hommes seuls.

Les répondants qui vivent seuls ou qui déclarent des relations « compliquées » accèdent globalement moins aux interventions. Bien que la prévalence du VIH soit plus élevée dans les couples stables, les solitaires ou « compliqués » sont moins fréquemment suivis et ont une virémie moins contrôlée.

  • Migrants

Les réfugiés et demandeurs d’asile déclarent une santé mentale moins bonne, plus de dépendance à l’alcool et sont plus nombreux à avoir été diagnostiqués récemment pour le VIH et à avoir une virémie non contrôlée. Les non migrants, à l’inverse, sont ceux qui déclarent moins de troubles mentaux ou d’infection récente par le VIH ou d’IST.

La prise de risque avec des partenaires occasionnels, l’injection de drogues ou le chemsex sont plus fréquents chez les répondants qui ont migré pour vivre une vie sexuelle plus libre. Les réfugiés et demandeurs d’asile sont plus injecteurs de drogues mais moins sous traitement anti-VIH ou PrEP. Les non-migrants déclarent moins de partenaires occasionnels et moins de prises de risques. Ce sont clairement les réfugiés et demandeurs d’asile qui ont le plus de besoins non satisfaits.

En matière d’interventions, les réfugiés et demandeurs d’asile sont les plus victimes de persécutions homophobes et ceux qui ont le moins accès aux vaccinations hépatiques ou à l’information sur le safer sex.

  • Séropositifs au VIH

Séropositifs au VIH

Les morbidités physiques ou mentales sont plus fréquentes chez les séropositifs. Leurs comportements sont plus à risque, plus injecteurs de drogues, plus chemsex. C’est le groupe qui exprime le plus de besoins que tous les autres. Cependant les séronégatifs ont moins accès aux interventions.

  • Usagers de drogues injectables

Toutes les morbidités sont plus communes dans ce groupe excepté l’insatisfaction sexuelle. C’est un groupe qui comporte plus de séropositifs au VIH que les autres et où on trouve plus de personnes diagnostiquées au VIH dans l’année précédente. Le groupe a de loin plus de partenaires sexuels occasionnels et prennent plus de risques mais ils sont aussi plus utilisateurs de PrEP. Leurs besoins sont très orientés vers le contrôle de leur activité sexuelle mais ils sont notablement plus informés que les non injecteurs en matière de VIH (y compris le TasP), d’IST, de TPE, de PrEP et d’hépatites.

Ceux qui ont pratiqué l’injection dans les 12 derniers mois sont au moins autant voire plus consommateurs d’interventions que les non-injecteurs, font des tests du VIH plus fréquemment, ont plus de contrôle viral du VIH, de même que les vaccinations hépatites et ils ont été dépistés pour les IST plus fréquemment.

  • Travail du sexe

Les répondants qui ont des rapports sexuels tarifés sont plus sujets aux morbidités excepté l’insatisfaction sexuelle. Ils sont plus enclins à des comportements sexuels à risque ou d’usage de drogue. L’usage de la PrEP pour ceux qui sont séronégatifs est plus fréquent mais chez les séropositifs, le traitement est moins systématique. Leurs besoins pour la majorité des indicateurs est important, spécialement sur le contrôle de l’usage de drogue, la perte de contrôle de rapports sexuels non souhaités et le safer sex. Le manque de soutien social est fréquent.

Les HSH qui vendent du sexe devraient être une cible prioritaire pour les interventions de promotion de la santé mentale. Ce groupe est celui qui connait le plus d’agressions homophobes. Bien qu’ils soient plus fréquemment dépistés, ils sont moins fréquemment vaccinés contre les hépatites et les séropositifs au VIH sont moins fréquemment pris en charge médicalement.

Sources :

Référence du rapport : The EMIS Network. EMIS-2017 – The European Men-Who-Have-Sex-With-Men Internet Survey. Key findings from 50 countries. Stockholm: European Centre for Disease Prevention and Control; 2019.

Auteurs du rapport : Peter Weatherburn, Ford Hickson, David S. Reid, Susanne B. Schink, Ulrich Marcus, Axel J. Schmidt.

Le rapport complet en anglais est disponible ici.

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Remerciements et félicitations à ce travail immense qui, pour sa deuxième édition après le rapport EMIS 2010, a été mené efficacement et financé par l’Union Européenne.

C’est un outil indispensable pour tous les militants et plaideurs de la cause LGBT comme de la lutte contre le sida.

Ce qui, à notre avis, est essentiel à avoir bien présent à l’esprit au moment de le lire et de réfléchir à ces résultats, c’est de qui parle-t-on.  Quatre participants à l’enquête sur cinq y sont arrivés parce qu’ils sont utilisateurs de PlanetRomeo le premier pourvoyeur de participants dans la plupart des pays (39% du total), Grindr (20,3%) et Hornet (9,6%) et pour 9% d’autres réseaux et applis de rencontre gay. C’est un filtre important dont il faut mesurer toutes les implications pour interpréter les résultats présentés.

Le rapport ainsi présenté est brut. Il reste à produire des analyses et à élaborer des plaidoyers. Mais ça, c’est avant tout le rôle de nos associations.