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Évaluer VIH TEST, le dépistage sans ordonnance et sans frais

par | 15.01.2020

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Avec l’expérimentation VIH TEST , le dépistage du VIH se fait sans frais et sans ordonnance dans les laboratoires d’analyses médicales de Paris et des Alpes-Maritimes pendant un an. Comment évaluer la pertinence et l’efficacité du dispositif ?

Point sur le dépistage du VIH en France

En France, l’épidémie du VIH est stable depuis une dizaine d’années, bien que l’on note une récente inflexion du nombre de nouvelles découvertes de séropositivité. Elle est entretenue par des délais trop longs entre la contamination et le diagnostic : en médian 3,3 ans.

Pour réduire l’épidémie non diagnostiquée et le délai entre la contamination et la mise sous traitement, il faut augmenter significativement le dépistage. En 2017 on évaluait à 5,7 millions le nombre de sérologies VIH en France, avec une offre large et diversifiée (laboratoires privés, CeGIDD, tests rapides faits par des associations, autotests distribués gratuitement et vendus en pharmacie).

En considérant un taux de tests positifs de 1% et une estimation de 18 000 personnes porteuses du virus, mais non diagnostiquées, il faut ajouter 1,8 million de tests par an auprès des populations clés (les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes représentent 42% des nouveaux diagnostics et les hétérosexuels nés à l’étranger 41% en 2017) pour avoir un effet sur l’épidémie.

En France, les deux régions les plus touchées par le VIH sont l’Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Au sein de ces régions il y a de fortes disparités : la proportion de découvertes de séropositivité pour 100 000 habitants est deux fois supérieure à Paris que dans le reste de l’Île-de-France et avec 124 découvertes par million d’habitants, le département des Alpes-Maritimes est le plus touché de la région PACA.

Sur Paris, ce sont 300 000 tests supplémentaires qu’il faut réaliser et 60 000 pour les Alpes-Maritimes pour diminuer l’épidémie non diagnostiquée.
Or, les CeGIDD et les associations ne peuvent pas absorber, à moyens constants, ce surplus d’activité.

Il a donc fallu trouver une autre solution.

Dispositif VIH TEST

#PARISSANSSIDA et Objectif Sida Zéro, les deux équipes qui optimisent la lutte contre l’épidémie dans les départements 75 et 06, se sont associées avec leurs collectivités locales, leurs caisses d’Assurance Maladie départementales et leurs unions régionales des biologistes pour inventer et mettre en place l’offre VIH TEST .

L’idée, qui semble simple sur le papier : permettre à tout le monde de faire des tests du VIH sans frais et sans ordonnance dans tous les laboratoires d’analyses médicales des deux territoires, s’est révélée d’une grande complexité à mettre en place.

Le cadre légal ne permettant pas actuellement un tel dispositif, il prend la forme d’une expérimentation sur un an, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
Les laboratoires d’analyses ont l’avantage d’être nombreux sur ces départements et d’offrir des horaires d’ouverture larges pour être accessibles au plus grand nombre.

Les personnes se présentant dans un laboratoire pour faire un VIH TEST bénéficient de la même prise en charge qu’une personne venant faire un dépistage du VIH avec une ordonnance médicale.

Mais en cas de test positif, le résultat n’est pas rendu par le médecin prescripteur, mais directement par le biologiste du laboratoire.

Afin de permettre un accès au soin rapide en cas de découvertes de séropositivité, les COREVIH locaux ont mis en place des plateformes de navigation (une par département, chacune avec un numéro de téléphone unique) permettant aux biologistes d’obtenir très rapidement une consultation dans un service d’infectiologie pour le patient à l’hôpital choisi par ce dernier.

VIH test reactup26

Objectif

Le dispositif  VIH TEST étant expérimental, il nécessite d’être évalué dans son efficacité, son impact sur l’épidémie, son impact sur l’offre de dépistage préexistante et son coût.

Les données les plus attendues étant le nombre de tests réalisés et le nombre de découvertes de positifs.

Les résultats de ces évaluations permettront aux autorités de santé de l’avenir du dispositif : arrêt ou prolongation, extension à d’autres territoires, voir généralisation.

Ces évaluations prennent le nom d’ALSO Recherche. Ce sigle correspondant au nom de code du dispositif lors de sa conception : « Au Labo Sans Ordo ».

Description de la recherche

L’évaluation ALSO Recherche de VIH TEST, menée par les équipes du Dr Pascal Pugliese (Objectif Sida Zéro), d’Eve Plenel (Vers Paris sans sida) et de Karen Champenois (Inserm), se divise en cinq études :

  • ALSO Activité

Cette première étude évalue l’utilisation du dispositif et les effets de substitution avec les autres offres de dépistage.

Outre la comptabilisation du nombre de sérologies et de découvertes de séropositivité mois par mois avec VIH TEST, elle va comparer ces données avec celle de l’année précédente, au total et par offre de dépistage.

Une vigilance sera portée sur la PrEP qui contribue a augmenter le nombre de tests.

  • ALSO Usagers

Cette enquête par auto questionnaire sera réalisée deux fois, à six mois d’intervalle, pendant une semaine dans tous les laboratoires et les CeGIDD des deux départements.

Elle vise à décrire le profil des personnes faisant un test dépistage en laboratoire (avec ou sans prescription médicale) et en CeGIDD et les raisons du dépistage. La comparaison des données pour les trois circuits (VIH TEST, dépistage sur ordonnance et CeGIDD) et dans le temps nous indiquera si le dispositif a su trouver le public auquel il était au départ destiné et dans quelle mesure les personnes suivent les recommandations de dépistage.

  • ALSO Parcours

Étude décrivant le profil et l’entrée dans le soin des personnes ayant bénéficié de VIH TEST et ayant eu une sérologie positive.

Les navigateurs des COREVIH vont documenter les caractéristiques de ces personnes, leurs délais d’entrée dans le soin et d’accès aux traitements.

  • ALSO Laboratoires

Tout au long de l’expérimentation, les biologistes documentent les incidents indésirables puis, à terme, feront une évaluation du dispositif.

Ils évalueront notamment l’impact de VIH TEST sur l’activité des laboratoires, sur l’aspect médical (rendu des résultats, orientation des personnes diagnostiquées positives et relation avec les médecins traitants) et en termes de santé publique.

L’ensemble des personnels des laboratoires impliqués dans VIH TEST participeront à l’évaluation via un questionnaire en ligne.

  • ALSO Eco

Dans les deux départements, cette étude va calculer et comparer le coût réel par test positif de chaque offre de dépistage (VIH TEST, tests sur prescription, CeGIDD et TROD communautaires). Une comparaison sera également faite avec les coûts du dépistage avant et après l’expérimentation VIH TEST.

Une estimation des coûts du déploiement national du dispositif sera également faite.

Résultats attendus

Nous nous attendons à une hausse de nombre de tests réalisés au global au début de l’expérimentation.

Nous pouvons anticiper ensuite qu’un effet de substitution se fera entre les différentes offres de dépistage au profit de VIH TEST, ce qui permettrait aux CeGIDD de renforcer leurs activités auprès des populations clés.
Nous supposons que les découvertes de séropositivités seront plus élevées au début puis stagneront.

Nous pouvons espérer que cette offre permettra d’augmenter la répétition du dépistage chez les personnes les plus exposées au VIH et diminuera le délai moyen entre la contamination et l’accès aux traitements.

Les données récoltées devraient également nous donner une vision plus fine de la prévalence du VIH sur les deux territoires de l’expérimentation.

Débouchés

Les résultats de ces études vont être déterminants pour l’avenir du dispositif, mais ils pourront également inspirer des expérimentations similaires sur d’autres tests (par exemple le dépistage des IST, de l’hépatite C…).

Ils pourront également servir à affiner les politiques de santé pour optimiser les offres de dépistages en fonction du coût et de l’efficacité de chacune.

Article écrit par Nicolas Etien, responsable des campagnes de prévention de #PARISSANSSIDA pour REACTUP.fr
Sources :
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Ce dispositif expérimental devrait fournir des réponses qui permettront d’argumenter sur la nécessaire évolution des règlementations conservatrices et archaïques qui régissent encore le dépistage en France, et qui bien trop souvent créent toutes les bonnes raisons de remettre au lendemain le dépistage qu’on aurait pu faire le jour même. La proposition permet un dépistage vite fait dans un labo à côté de chez soi en moins de temps qu’il ne faut pour commencer à cogiter et sans effort de préparation.