ARTICLES / ÉPIDÉMIOLOGIE

VIH et IST, le point épidémiologique 2016

par | 31.12.2016

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La journée mondiale de lutte contre le sida, le premier décembre, est toujours l’occasion pour les instances publiques de surveillance sanitaire de faire le point sur les données épidémiologiques concernant l’infection à VIH et les IST dans notre pays. Le recueil des données et son analyse prenant du temps, la moisson de résultats montre systématiquement la situation un an en arrière. Pourtant, la modernisation des dispositifs laisse entrevoir qu’on pourrait faire mieux prochainement.

En cette fin 2016, l’agence nationale de santé publique, « Santé Publique France » a présenté les résultats du recueil de données épidémiologiques et nous a livré ses premières analyses. Le résumé de ces présentations tient en six points clés qui sont les suivants :

  • Le nombre de découvertes de séropositivité VIH est estimé à près de 6 000 en 2015 ; ce nombre est stable depuis 2011. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les hétérosexuels nés à l’étranger (dont les ¾ sont nés dans un pays d’Afrique subsaharienne) restent les deux groupes les plus touchés et représentent respectivement 43% et 38% des découvertes en 2015. Les hétérosexuels nés en France et les usagers de drogues injectables (UDI) représentent respectivement 16% et 2%.
  • Le nombre de découvertes de séropositivité VIH ne diminue toujours pas chez les HSH, contrairement à ce que l’on observe chez les hétérosexuels, hommes ou femmes, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger. Environ 2 600 HSH ont découvert leur séropositivité en 2015.
  • On observe une plus grande précocité des diagnostics en 2015, dans un contexte où l’activité globale de dépistage du VIH a augmenté de 3% par rapport à 2013 (5,4 millions de sérologies réalisées en laboratoires en 2015).
  • Le nombre de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) réalisés en 2015 dans le cadre d’actions de « dépistage communautaire » est de 62 200, similaire à celui de 2014. Il reste marginal par rapport à l’activité globale de dépistage. Par contre, en ciblant des populations particulièrement exposées au VIH (30% d’HSH et 31% de migrants en 2015), le taux de positivité y est plus élevé.
  • Le dépistage du VIH doit encore être intensifié dans ces populations afin de réduire la proportion de ceux qui ignorent leur séropositivité. Ceci devrait être rendu possible grâce à une offre diversifiée en termes d’outils (tests classiques en laboratoires, TROD communautaires, ventes d’autotests en pharmacie), et de lieux dédiés, comme les CeGIDD qui ont vu le jour en 2016.
  • La progression des IST bactériennes (syphilis précoces, infections à gonocoque, lyphogranulomatoses vénériennes –LGV-) se poursuit, notamment chez les HSH. Dans un contexte de prévention combinée du VIH (préservatif, dépistage, PrEP, TPE, TasP), le dépistage précoce des IST bactériennes, suivi d’un traitement adapté, est indispensable pour interrompre la transmission.

L’objet de cet article est de détailler ces données et de décrypter les messages qui y sont associés à la lumière des résultats présentés.

Dans l’observation d’une épidémie, il y a d’une part les données que l’on peut mesurer grâce à l’activité médicale et il y a d’autre part les analyses et les projections que les équipes de recherche produisent pour mieux comprendre ce que les données brutes permettent d’entrevoir mais ne montrent pas toujours. L’épidémie est faite de personnes nouvellement contaminées qui un certain temps plus tard sont diagnostiquées comme porteurs de la maladie. On parle donc de prévalence, le nombre absolu de personnes atteintes, et d’incidence, le nombre de nouvelles infections par an. Mais il n’est pas possible de disposer directement de ces données. Ce que l’on sait compter ce sont les opérations de dépistage réalisées et les diagnostics de nouvelles infections quel que soit le délai écoulé entre contamination et dépistage. Partant de ces données, les épidémiologistes réalisent des estimations statistiques de ce que peuvent être les valeurs complètes, estimations ayant forcément une marge d’incertitude exprimée par un « intervalle de confiance ».

Le dépistage de l’infection à VIH

Le réseau de laboratoires de biologie médicale (de ville ou hospitaliers) a réalisé 5,4 millions de sérologies VIH en 2015.

Cela représente 81 sérologies pour 1000 habitants et une progression modérée de 3% par rapport à 2013 et ce, malgré les objectifs et les recommandations de dépistage généralisé. Cette progression est observable dans les départements d’outre-mer et en métropole mais pas en Ile-de-France même si cette région est celle dont le taux de dépistage est le plus élevé de la métropole.

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Les trois quart des tests ont été réalisés en laboratoire de ville. Environ 330 000, soit 6% l’ont été dans un cadre d’une consultation anonyme.
En plus de ces dépistages, 62 200 TROD (dépistages rapides) ont été réalisés en 2015 par les associations de santé communautaires habilitées. Ils ont concerné à 30% des HSH, 31% des migrants, 12% d’autres populations exposées au VIH (précaires, UDI, prostitution) et 27% des personnes n’appartenant pas aux publics cibles. De plus, parmi les personnes ayant bénéficié d’un TROD en 2015, 27% n’avaient jamais été dépistés auparavant.
Les autotests ont été mis en vente dans les pharmacies à partir de septembre 2015. Le nombre de ces tests vendus serait de 1 500 à 2 000 par semaine soit 75 000 à 100 000 en un an.

L’intérêt des offres ciblées est observable à travers les résultats : la proportion de positifs est de 7,7 pour mille TROD communautaires censés cibler les populations clés, elle est de 3,3 pour mille sérologies anonymes et de 1,9 pour mille sérologies non anonymes. Les taux de séropositivité dans les populations clés dépistées par les TROD ont été en 2015 de 14,6 pour mille pour les HSH, 7,4 pour mille chez les migrants, 7,2 pour mille chez les UDI, 3,4 pour mille chez les personnes prostituées, 2,5 pour mille chez les personnes précaires et 1,1 pour mille pour les autres publics.

Les découvertes de séropositivité VIH

Près de 6 000 personnes (5 925) ont découvert leur séropositivité VIH en 2015. Ce nombre est stable depuis 2011. Comme tous les ans, la dernière valeur exprimée est toujours plus sujet à variabilité et demande à être confirmée. En effet, il s’agit d’une estimation, les données réelles de sérologies positives étant bien supérieures mais il convient de les corriger pour en éliminer les personnes dépistées plusieurs fois ainsi que d’extrapoler aux données incomplètes.

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Les deux tiers de ces séropositivités (68%) ont été découvertes à l’hôpital, le tiers restant en médecine de ville alors que un quart des sérologies est réalisé à l’hôpital et trois quart en ville. Les hommes représentent 70%, les moins de 25 ans sont 12%, les 50 ans et plus sont 19%.

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Mais ces valeurs globales ne sont pas homogènes dans les populations clés. Le nombre de découvertes ne diminue toujours pas chez les HSH (43%) et se stabilise chez les UDI tandis qu’il est en diminution dans toutes les autres catégories. Pour mémoire, la répartition dans ces catégories ne dépend que d’une seule chose : la déclaration qui est faite au moment du diagnostic par la personne concernée du mode de contamination telle qu’elle le décrit.

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Rapporté à la population, le nombre de découvertes de séropositivité est de 89 par million d’habitants. Ce taux est beaucoup plus élevé en Guyane, puis en Guadeloupe, Martinique et en Ile-de-France. En dehors de l’Ile-de-France, les deux régions de métropole ayant les taux les plus élevés sont la Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Centre-Val de Loire.

Depuis 2012, un nombre plus élevé de séropositivité sont découvertes en métropole hors Ile-de-France (environ 2 800 en 2015) qu’en Ile-de-France (environ 2500). La région Ile-de-France concentre encore néanmoins 42% des découvertes de séropositivité et les DOM 8% alors que ces deux régions représentent respectivement 18% et 3% de la population vivant en France.

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Les infections sexuellement transmissibles bactériennes

La surveillance des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes (Syphilis, infections à gonocoques et LGV rectales) est effectuée par un réseau de laboratoires participant, le réseau RésIST. Les statistiques ne sont donc pas exhaustives mais les données collectées permettent tout de même de suivre la tendance notamment en observant les variations à nombre de sites constants sur les années récentes.

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La progression des infections sexuellement transmissibles bactériennes observable depuis 2010 reste d’actualité. Cette progression est particulièrement marquée chez les HSH même si l’on observe aussi une progression chez les hétérosexuels. Le nombre de cas observés dans cette frange de population reste encore faible.

Le nombre total de syphilis précoces (datant de moins d’un an) diagnostiquées en France en 2015 est en cours d’estimation. Néanmoins, les données récoltées montrent une progression de 59% par rapport à 2013. Cette augmentation concerne particulièrement les régions de métropole hors Ile-de-France et les HSH pour 84% des cas rapportés par les structures spécialisées (CDAG, Ciddist, consultations hospitalières).

On estime à plus de 19 000 cas les nouvelles infections à gonocoques en 2015. Le recensement de ces cas dans les structures spécialisées montre une prépondérance des HSH (68% des cas notifiés en 2015), les femmes et les hommes hétérosexuels ne représentant respectivement que 16% et 15% et les femmes homo-bi-sexuelles 1%. Heureusement, aucune souche résistante au traitement antibiotique de référence (le ceftriaxone) n’a été isolée depuis 2011.

L’infection à chlamydia est l’IST bactérienne la plus répandue. Le nombre de cas nouveaux est estimé en 2015 à 81 000, soit une augmentation de 10% par rapport à 2013. Là aussi, cette augmentation ne concerne pas l’Ile-de-France mais bien les autres régions de la métropole. Les deux-tiers des cas rapportés en 2015 sont des femmes âgées en majorité de 15 à 24 ans, ce qui reflète en partie l’application des recommandations du dépistage systématique des jeunes femmes dans les centres dédiés.

La population la plus touchée par le VIH et les IST sont les HSH

En 2015, 43% des découvertes de séropositivité au VIH sont des HSH (2 600 hommes). Ce nombre, en progression jusqu’en 2012, est stable. Ils sont nés à l’étranger pour 19% d’entre eux. De manière stable depuis 2012, la moitié des découvertes de séropositivité VIH des HSH sont des diagnostics précoces (moins de 6 mois) tandis que la proportion de découvertes à un stade avancé de l’infection est de 19%, tout aussi stable.

Entre 2003 et 2012, le nombre de découvertes de séropositivité VIH a presque triplé (x2,7) chez les jeunes HSH de 15 à 24 ans pour se stabiliser aux environs de 400 par an. En revanche, elle est en augmentation chez les HSH de plus de 50 ans depuis 2011 (x1,3) pour atteindre 400 découvertes en 2015.

Les infections sexuellement transmissibles bactériennes progressent toujours chez les HSH, en particulier les syphilis précoces (+56% entre 2013 et 2015), les infections à gonocoques (+100% entre 2013 et 2015), et les LGV rectales (+47%). Plus de 80% des syphilis et près de è0% des infections à gonocoque diagnostiquées en 2015 dans les structures spécialisées, ainsi que la quasi-totalité des LGV concernent les HSH.

Le niveau élevé de co-infections par le VIH chez les HSH présentant une LGV, une syphilis ou une gonococcie (respectivement 76%, 25% et 17% en 2015) reflète une utilisation insuffisante du préservatif chez les HSH séropositifs, ce que l’on observe depuis plusieurs années dans les études comportementales. Ces données tendent à démontrer l’existence de chaînes de transmission des IST via des réseaux sexuels comportant des HSH séropositifs et donc, démontrent l’importance des dépistages réguliers et l’usage de traitements adaptés.

Pour cette population, il est important de mobiliser l’ensemble des outils de prévention dans une logique de prévention combinée : le préservatif, le dépistage régulier du VIH, des autres IST, de l’hépatite C en sachant recourir si besoin aux TROD ou aux autotests VIH, les antirétroviraux à titre prophylactique (PrEP et TPE). Les antirétroviraux utilisés dans un but thérapeutique chez les personnes séropositives ont également pour effet de diminuer le risque de transmission du VIH en réduisant la réplication virale (TasP).

L’étude PREVAGAY, réalisée fin 2015 auprès d’HSH fréquentant les lieux de convivialité gay de 5 villes de France (Nice, Montpellier, Lyon, Lille et Paris), dont les résultats seront disponibles au cours du premier semestre 2017, permettra notamment d’apporter des éléments sur l’appropriation de ces méthodes de prévention parmi les HSH.

Source :

L’origine du contenu et des illustrations est : actualités épidémiologiques sur le VIH et les autres IST du 28 novembre 2016 – Santé Publique France

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Les données de dépistage tendent à montrer ce que nous suggérons depuis pas mal de temps, à savoir que l’offre de dépistage en France est au bord de la saturation, ce qu’elle a déjà atteint en Ile-de-France, ce qui pourrait expliquer qu’on n’y observe plus de progression.

L’existence de réseaux de rencontre sexuels plus ou moins anonymes tels que suggérés par Santé Publique France est bien connue des gays. Qu’ils s’organisent autour d’un lieu, d’une pratique ou d’un mode de rencontre, ils ont surtout, pour ce qui nous intéresse ici, la faculté d’entretenir des foyers de maladies à répétition dans la mesure où les protagonistes, même s’ils se font dépister et soigner de temps en temps, ne le font pas tous et pas assez efficacement pour enrayer les chaînes de contamination à répétition. Ce qui est évoqué ici à propos des IST bactériennes est aussi observé à propos de l’hépatite C, le milieu médical spécialisé ayant noté des infections répétées dans de petits groupes de personnes.