Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) publie un avis et des recommandations sur la santé sexuelle des adolescentes, des adolescents et des jeunes adultes dans un monde numérique omniprésent. Ce texte, adopté à l’unanimité le 22 mai 2025, plaide pour une approche globale et positive de la santé sexuelle, qui tienne compte à la fois des risques et des potentialités du numérique.
Un avis inscrit dans une saisine ministérielle et une stratégie nationale
Saisi en juin 2024 par le ministère de la Santé, le CNS a conduit pendant un an une mission inédite sur les liens entre santé sexuelle, jeunesse et numérique. Cette démarche s’inscrit dans la continuité de la Stratégie nationale de santé sexuelle (SN2S) et du nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) mis en place depuis 2025.
Le Conseil rappelle que le numérique occupe une place centrale dans la vie des jeunes — 96 % des 12–17 ans et 98 % des 18–24 ans possèdent un smartphone — et qu’il influence profondément leurs représentations, leurs pratiques et leurs relations. Entre opportunité d’accès à l’information et vecteur de vulnérabilités, les outils numériques façonnent désormais la manière d’apprendre, d’aimer et de se protéger.
L’avis, fondé sur des auditions, revues de littérature et enquêtes, s’appuie sur une écoute attentive des jeunes eux-mêmes, de leurs parents, des associations et des acteurs publics et sanitaires.
Le numérique, à la fois risque et ressource
Le CNS insiste sur la nécessité de dépasser les discours purement alarmistes. Certes, les jeunes sont exposés à des risques réels : accès précoce à la pornographie, partage non consenti d’images intimes, désinformation, violences sexistes et homophobes en ligne. Mais le numérique est aussi un outil d’émancipation : il favorise l’accès à la prévention, à la contraception, au dépistage, à l’aide à distance et à des communautés de soutien pour les jeunes LGBTQI+, en situation de handicap ou isolés géographiquement.
Le Conseil appelle ainsi à une approche équilibrée, qui valorise les potentialités du numérique tout en renforçant les protections nécessaires.
Quatre axes prioritaires et quatorze recommandations
L’avis du CNS s’articule autour de quatre axes stratégiques, traduits en quatorze recommandations concrètes :
1. Mieux documenter la diversité des sexualités et des usages numériques
Le CNS constate le manque de données sur la santé sexuelle des jeunes dans leurs environnements numériques. Il recommande de renforcer les enquêtes nationales (comme le baromètre santé de Santé publique France) et d’y intégrer des volets sur les usages numériques, leurs bénéfices et non seulement leurs risques. Ces enquêtes doivent être menées en lien avec les établissements scolaires et accessibles aux acteurs de terrain.
2. Garantir l’accès effectif à la prévention et au soin
Face à la recrudescence des IST chez les moins de 25 ans, le CNS salue les dispositifs Mon test IST en laboratoire et Mon test IST à domicile, mais demande leur gratuité complète pour les jeunes majeurs et un déploiement accéléré du dépistage à domicile. Il appelle aussi à soutenir les actions numériques associatives en santé sexuelle, souvent menées auprès de publics minoritaires, mais fragilisées par le manque de financements pérennes.
Autre enjeu central : garantir l’autonomie numérique des mineurs dans Mon espace santé, afin de préserver la confidentialité de leurs données médicales.
3. Diffuser une information fiable et inclusive
Les jeunes se tournent d’abord vers internet et les réseaux sociaux pour s’informer sur la sexualité. Pour contrer la désinformation, le CNS propose de former les créatrices et créateurs de contenu aux enjeux de santé sexuelle et de mettre en place une certification d’influence responsable en santé, éventuellement pilotée par la Haute Autorité de santé.
Le Conseil préconise également un répertoire national géolocalisé des services de santé sexuelle et la production de contenus publics plus représentatifs de la diversité des jeunesses : orientation, genre, handicap, origine, etc.
4. Former et accompagner les adultes ressources
Le CNS insiste sur le rôle des professionnelles et professionnels de santé, enseignants, travailleurs sociaux et parents, souvent démunis face aux usages numériques et aux questions des jeunes.
Il recommande de systématiser la formation initiale et continue de ces adultes, et de créer dans chaque établissement une personne référente EVARS formée, coordonnant les séances obligatoires d’éducation à la sexualité.
L’articulation entre EVARS et Éducation aux médias et à l’information (EMI) doit être renforcée pour aider les jeunes à développer un regard critique sur les contenus numériques. Enfin, le soutien aux parents d’adolescents est identifié comme un levier essentiel : dialogue, écoute et accompagnement doivent être encouragés, notamment via des associations et lignes d’écoute.
Promouvoir une santé sexuelle numérique, émancipatrice et équitable
L’avis du CNS offre une vision ambitieuse : faire du numérique un outil de promotion des droits et de la santé sexuelle, plutôt qu’un facteur d’inégalités ou d’inquiétude.
Cette perspective rejoint les orientations défendues de longue date par les acteurs communautaires : reconnaître la compétence des jeunes, leur permettre de participer à la conception des politiques publiques et garantir un accès égal à l’information, aux soins et à la parole.
En rappelant que la santé sexuelle ne se limite pas à l’absence de maladie, mais qu’elle inclut bien-être, plaisir, autonomie et respect, le CNS signe ici un texte fondamental pour repenser les politiques de prévention à l’ère des réseaux sociaux et de la désinformation.
Pour aller plus loin
Avis et recommandations du CNS – La santé sexuelle des adolescentes, des adolescents et des jeunes à l’ère du numérique, 22 mai 2025 (à consulter ici)