Face à la persistance de nombreux obstacles à l’accès au traitement post-exposition (TPE), le TRT-5 CHV met en ligne un observatoire des refus et des renoncements au TPE sur la plateforme communautaire sexpoz.vihack.fr. Objectif : documenter finement les situations où l’accès au TPE échoue et mettre à disposition des acteurs communautaires un outil concret pour faire remonter ces données, les analyser et agir.
Le TPE, un outil vital encore trop inaccessible
Le TPE est un traitement d’urgence à prendre dans les 48 heures suivant une exposition au VIH, notamment lors de rapports sexuels non protégés avec un risque de transmission. Il est recommandé par les autorités sanitaires et remboursé à 100 % par l’Assurance Maladie, mais dans la pratique, son accès reste inégal, voire problématique.
Des témoignages de refus de délivrance en services d’urgence, d’informations contradictoires, de renoncements face à l’accueil défaillant ou à la stigmatisation s’accumulent, notamment chez les publics les plus exposés : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), travailleur·ses du sexe, personnes migrantes, jeunes LGBTQIA+, usager·es de drogues…
Un constat partagé, un manque de données précises
Depuis plusieurs années, associations et professionnel·les de santé alertent sur ces situations. Faute de dispositif structuré de recueil et d’analyse, ces constats restent anecdotiques, difficiles à objectiver et invisibilisés dans les rapports officiels.
Dès 2021, le collectif TRT-5 CHV avait tenté de combler ce vide en lançant un appel à témoignages. Avec peu de moyens et sans véritable soutien institutionnel, l’initiative avait tout de même permis de recueillir une quinzaine de récits, pour beaucoup édifiants. Ces témoignages révélaient des refus injustifiés, souvent motivés par l’ignorance du protocole ou des préjugés tenaces. On y lisait des phrases glaçantes, comme ce soignant affirmant : « Ne vous énervez pas, le traitement d’urgence n’est pas une urgence ! », ou encore : « Y a qu’à pas faire ça ! ». D’autres cas pointaient l’absence totale de connaissance du TPE parmi les professionnel·les de garde, pourtant censé·es pouvoir le délivrer.
Ces situations ne relevaient ni de l’exception, ni d’un territoire particulier : elles concernaient aussi bien les femmes que les hommes, en zones urbaines comme en zones rurales. Déjà à l’époque, le message était clair : les dysfonctionnements sont systémiques mais toujours invisibles faute de volonté politique pour les documenter.
Un formulaire simple et un recueil anonyme
L’observatoire prend la forme d’un formulaire en ligne accessible sur sexpoz.vihack.fr, utilisable depuis un téléphone ou un ordinateur. Il permet de décrire en quelques minutes une situation problématique : qui a demandé le TPE, dans quel contexte, où, à quel moment, et pourquoi cela n’a pas abouti.
Le formulaire peut être rempli directement par une personne concernée ou par une association, un·e pair·e ou un·e professionnel·le qui accompagne un·e usager·e. Les données sont anonymes, aucun nom ni identifiant personnel n’est demandé.
Chaque entrée permet de documenter précisément la nature du refus ou du renoncement : absence de réponse des urgences, orientation erronée, refus explicite, discrimination, manque d’information, délai trop long, etc.
Un outil au service du plaidoyer communautaire
L’objectif de cet observatoire n’est pas de dénoncer tel ou tel service, mais de faire remonter des données réelles, concrètes, exploitables, pour nourrir des actions de plaidoyer, sensibiliser les institutions et identifier les failles systémiques.
Les données collectées seront analysées régulièrement par le TRT-5 CHV et ses partenaires. Elles pourront alimenter des rapports, des interpellations publiques, mais aussi servir à former des professionnel·les ou renforcer l’argumentaire des associations sur le terrain.
Un appel à s’en saisir : associations, à vous de jouer !
Cet outil ne prendra tout son sens que s’il est utilisé largement. Il s’adresse en priorité aux associations de santé sexuelle, de lutte contre le VIH-Sida, aux centres LGBTQIA+, aux structures de réduction des risques, aux maraudes et à toute structure de premier recours susceptible d’accompagner des personnes exposées au VIH.
En tant qu’actrices de terrain, ces structures sont les mieux placées pour repérer les situations de blocage et remplir le formulaire avec ou pour les usager·es concerné·es. Chaque signalement compte, car chaque refus non documenté est un angle mort dans les politiques de santé publique.
Une étape vers une meilleure accessibilité du TPE
À l’heure où la prévention du VIH repose sur une palette d’outils complémentaires (TPE, PrEP, préservatifs, dépistage régulier, TasP) il est crucial que chacun d’eux soit effectivement accessible. Le TPE ne peut rester ce dispositif théorique que l’on brandit dans les recommandations sans garantir son effectivité dans la vraie vie.
Quatre ans après l’alerte du TRT-5 CHV, il est toujours impossible d’obtenir un TPE en dehors d’un hôpital ou d’un centre de santé. Impossible, donc, de compter sur ce traitement si l’exposition a lieu un dimanche soir ou dans une ville sans structure hospitalière à proximité. Il est nécessaire de diversifier les lieux de dispensation, de permettre aux associations de fournir des « starter kits » pour garantir une mise sous traitement immédiate, d’organiser une concertation entre professionnel·les et acteur·rices de terrain pour simplifier les protocoles.
Grâce à cet observatoire, les acteurs communautaires peuvent reprendre la main sur la documentation des défaillances du système et faire entendre la voix des personnes laissées de côté.
Pour contribuer à l’observatoire ou en savoir plus :
👉 https://sexpoz.vihack.fr/
📬 coordination@trt-5.org