DÉPÊCHES / ÉPIDÉMIOLOGIE

Des virus qui voyagent : résultats de l’étude SPREAD

par | 28.05.2013

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Comme nous l’avons exprimé dans l’édito du dernier bulletin de reacup, les gays sont de grands voyageurs. Il a suffi d’une simple petite question dans l’enquête EMIS (European MSM Internet Survey) pour nous en apprendre beaucoup : « Où avez-vous eu vos dernières relations sexuelles à l’étranger ? ». Le résultat est intéressant. Les gays européens qui ont répondu à l’enquête en ligne aiment voyager. Leurs destinations favorites sont Berlin pour 24% et l’Espagne (Madrid, Barcelone et les Canaries) pour 13%. Viennent ensuite Paris et Londres. Mais ils aiment aussi traverser les frontières proches d’eux ou se rendre dans les pays qui pratiquent la même langue ou des langues proches (pays anglo-saxons et Commonwealth, germanophones, pays latins et Amérique Latine). Mais pour les gays qui voyagent, l’éloignement est aussi l’occasion de se lâcher. Dans l’enquête EMIS ils ont deux à douze fois plus tendance aux pénétrations non protégées en voyage qu’à la maison.

Le projet européen SPREAD s’y est pris autrement. Il a consisté à recueillir entre 2002 et 2007 des échantillons de sang de personnes nouvellement diagnostiquées comme séropositives au VIH ainsi que des données socio-comportementales les concernant dans 25 pays d’Europe et Israël. Les chercheurs ont ensuite analysé les virus dont ces personnes étaient porteuses afin d’étudier les sous-types de ces virus et leur proximité génétique des autres virus du groupe analysé.

L’analyse conduite sur les échantillons prélevés aux 4260 participants de SPREAD a montré que dans 1330 cas, le virus analysé était génétiquement semblable à 98% à un autre virus de l’étude, formant 457 clusters (ou grappes) composés de 28 à 2 personnes. Cette proximité génétique indique une nécessaire contamination commune par une personne du même groupe ou une personne proche de ce groupe. En rapprochant cette analyse du lieu géographique de prélèvement, il devient intéressant d’étudier le rôle que peut jouer la mobilité des personnes dans la dissémination des virus.

D’une manière générale, les résultats de SPREAD montrent que les contaminations sont très majoritairement nationales voire même régionales. La plupart des personnes (82%) dans les clusters sont porteuses de virus de sous-type B, le plus répandu dans les pays occidentaux. Les personnes porteuses d’un sous type non-B, le plus fréquemment hétérosexuelles et immigrées, appartiennent beaucoup moins à des clusters que les autres et ont le plus souvent des contaminations anciennes.

Des 457 clusters, 17% comportent des personnes venant de différents pays et 26% des personnes appartiennent à ces clusters internationaux. Mais ce qui fait la différence c’est qu’ils ne comportent que 14% d’hétérosexuels contre 31% d’hommes gays. Par ailleurs, ces clusters internationaux comportent plus de personnes contaminées depuis moins d’un an. C’est le cas de 39% des personnes qui y appartiennent contre 24% de ceux qui n’appartiennent pas à un cluster.

 

Cette étude confirme bon nombre d’observations et d’autres recherches plus locales sur les phénomènes transfrontaliers en Europe Bien que SPREAD n’ait pas été menée sur tous les pays européens, excluant notamment la France et le Royaume Uni, elle nous renseigne quand même sur les grandes tendances en Europe en matière de réseaux sexuels à travers la dissémination du VIH. Certes l’image produite est très floue et ne peut fournir qu’une impression d’ensemble. Mais il en ressort nettement que les gays sont de grands voyageurs attirés par les grandes places festives gay européennes contrairement aux hétérosexuels dont les réseaux sont plus nationaux ou aux immigrés qui le plus souvent restent implantés sur leur lieu de migration et n’ont majoritairement que des contacts au sein de leurs communautés.

Mais ce que l’on peut tirer aussi de telles études c’est la nécessité pour les places touristiques gays et les organisateurs d’événements de tenir compte dans les actions de prévention de terrain de la fréquentation internationale.

Source :

Frentz D et al. Limited cross-border infections in patients newly diagnosed with HIV in Europe. Retrovirology 10(36), 2013.
Fernández-Dávila P et al. Mobile men who have sex with men : an exploration in European residents of sexual risk taking while travelling abroad. 19th International AIDS Conference, Washington, abstract THPE373, 2012.