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Étude PARTNER : à charge virale indétectable, pas de transmission du VIH dans les couples sérodifférents

par | 06.03.2014

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C’est ce que montre le résultat intermédiaire de l’étude PARTNER présenté à la conférence de Boston le 4 mars, et ce autant dans les couples hétéros que gays

Dans une session de mardi de la CROI 2014, Alison Rodger du département de recherche Infection and population health du University College de Londres a présenté le résultat intermédiaire à deux ans de l’étude PARTNER : risque de transmission du VIH en cas de sexe sans préservatif lorsque le partenaire séropositif est à charge virale indétectable.

Ce premier résultat de l’étude est encore partiel et nécessite d’être complété. Mais il montre déjà un résultat intéressant puisqu’il n’y a eu aucune contamination au sein des couples, qu’il s’agisse de couples homme-femme ou de couples d’hommes. Cela signifie dans l’état actuel des données un risque au plus de 4% de transmission du VIH dans le cas de relations anales sans préservatif mais la poursuite de l’étude jusqu’en 2017 permettra d’affiner ce résultat.

Résumé de a présentation de la CROI

Le risque absolu de transmission du VIH au cours de relations sexuelles sans préservatifs par une personne séropositive sous traitement antirétroviral, difficile à étudier, n’a été l’objet jusque là que de peu d’études en général, encore moins pour ce qui est du risque présenté lors de relations anales. Le résultat de l’essai HPTN052 (voir notre article) avait montré une réduction de la transmission de l’ordre de 96% mais ne concernait que les relations vaginales dans les couples hétérosexuels.

PARTNER est une étude observationnelle menée dans 14 pays d’Europe recrutant des couples sérodifférents tant hétérosexuels que gays afin d’étudier le risque de transmission du VIH lorsque l’utilisation de préservatif n’est pas systématique et que le partenaire séropositif est sous traitement et à charge virale indétectable.

L’étude

La participation à l’essai comprend un rappel sur les risques de transmission du VIH, la nécessité de l’utilisation systématique de préservatifs. Tous les six mois, les participants répondent à un questionnaire comportemental et les données sur la charge virale du séropositif et le résultat d’un test du séronégatif sont recueillis.

Sur les 1110 couples recrutés au 1er novembre 2013, les chercheurs ont retenu 894 couples-années de suivi issus de 767 couples qui correspondaient aux critères de l’essai, à savoir qu’il y a eu rapport sans préservatif, pas d’utilisation de PrEP (voir notre dossier) ou de traitement post-exposition (TPE) et que la charge virale du séropositif était inférieure à 200 copies pendant les 12 derniers mois.

Les couples-années non retenus ne l’ont pas été à 71% parce qu’il n’y a pas eu de visite de suivi, à 16% parce que la charge virale du séropositif était supérieure à 200 copies, à 5% parce que le test VIH du séronégatif n’a pas été fait, à 3% parce qu’il y a eu recours à une PrEP ou un TPE et à 3% parce qu’il n’y a pas eu de rapports sans préservatifs.

Dans le cas de nouvelle contamination par le VIH d’un séronégatif, une analyse phylogénétique a été faite pour déterminer si la souche virale correspondait à celle du partenaire ou non.

Les séronégatifs des 282 couples d’hommes ont entre 32 et 47 ans, ils ont eu des relations sans préservatif en moyenne depuis un an et demi, 16% ont eu des infections sexuellement transmissibles (IST), 34% ont eu du sexe avec des partenaires extérieurs au couple et ils ont eu entre 18 et 79 relations sexuelles par an. Au total ils représentent 16400 actes sexuels non protégés dans l’étude. Dans 445 couples hétérosexuels, les 245 hommes séronégatifs ont entre 37 et 50 ans, ils pratiquent le sexe sans préservatif depuis en moyenne 2,7 ans, 5% ont eu des IST, 3% ont des relations hors du couple ; les 240 femmes séronégatives ont entre 34 et 46 ans, elle ont du sexe sans préservatif en moyenne depuis 3 ans et demie, 6% ont eu des IST, 4% des partenaires hors couple. Ils ont entre 14 et 77 relations sexuelles par an ce qui représente 14000 actes sexuels non protégés dans l’étude.

Les chercheurs estiment qu’en l’absence de la protection par les antirétroviraux, on devrait avoir une moyenne de 86 contaminations dans l’étude à ce stade.

Les séropositifs des couples d’hommes ont de 36 à 47 ans, 5 ans de traitement en moyenne avec 94% de charge virale indétectable, dans 90% des cas des CD4 à plus de 350 et 16% d’entre eux ont eu des IST. Pour les séropositifs hétérosexuels, les hommes ont entre 40 et 49 ans, 10 ans de traitement avec 85% de charge virale indétectable et 84% ont des CD4 à plus de 350. 5% ont eu des IST. Pour les femmes, âgées de 34 à 46 ans, elles sont en moyenne depuis 7 ans sous traitement avec 86% de succès et 88% ont des CD4 à plus de 350. 4% d’entre elles ont eu des IST.

En termes d’actes sexuels sans préservatifs recensés dans l’étude, les femmes séronégatives ont eu à 70% des relations vaginales avec éjaculation, les hommes hétérosexuels rapportent 100% de sexe vaginal insertif, et dans les couples d’hommes, les séronégatifs ont pratiqué à 70% le sexe anal réceptif sans éjaculation, à 40% le sexe anal réceptif avec éjaculation et à 30% du sexe anal insertif exclusivement.

Résultats

À ce stade de l’étude, il n’y a eu aucune contamination des séronégatifs par leur partenaire au sein de leur couple ce qui, avec un intervalle de confiance à 95%, représente entre 0 et 0,4 risque de transmission pour cent couples-années sur 894 couples-années, soit un risque de 0 à 4% de contaminations dans les couples en 10 ans.
Le résultat exprimé seulement sur le sexe anal (374 couples-années) compte tenu du plus petit nombre de couples donne un intervalle de confiance plus grand, de 0 à 1 risque de transmission pour cent couples-années, soit entre 0 et 10% de contaminations en 10 ans.

Le même résultat décliné selon le type de comportement donne en résultat par an :

  • femmes, sexe vaginal réceptif avec éjaculation (192 couples-années) : de 0 à 2%
  • hommes hétérosexuel, sexe vaginal insertif (272 coupls-années) : de 0 à 1,5%
  • HSH, sexe anal réceptif avec éjaculation (93 couples-années) : de 0 à 4%
  • HSH, sexe anal réceptif sans éjaculation (157 couples-années) : de 0 à 2,5%
  • HSH, sexe anal insertif (262 couples-années) : de 0 à 1,5%

Les limites de l’intervalle de confiance varient ici selon le nombre de personnes présents pour chaque type de comportement. La valeur de 4% par an est loin d’être faible puisqu’elle implique sur dix ans une contamination pour trois couples.

L’étude sera poursuivie pour les couples d’hommes jusqu’en 2017 afin d’affiner la précision du résultat.
D’autres précisions devraient être publiées prochainement, concernant notamment les infections sexuellement transmissibles, les cas de contamination hors couple et les pratiques de pénétration anale dans les couples hétérosexuels.

Sources :
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Ce résultat est le premier obtenu dans une étude sur les couples d’hommes puisque l’étude HPTN052 (voir notre article) n’avait pas pu conclure pour eux puisqu’elle ne comportait que 2% de HSH. La difficulté pour comprendre ce qu’il faut retenir de ce résultat vient de ce qu’une étude porte fatalement ses propres limites dans le nombre de participants et le temps d’analyse. De ces paramètres, les biostatisticiens tirent un risque de se tromper exprimé sous forme d’intervalle de confiance à 95% autour de la valeur obtenue. Cela représente donc les limites qui permettent d’espérer une reproductibilité du résultat. C’est ainsi que sont exprimés les résultats dans la présentation des chercheurs.
De plus, il ne faut jamais oublier que le nombre de contaminations est cumulatif au cours du temps. C’est ainsi que les 4% maximum pour 100 couples-années dans le cas de pénétration anale réceptive avec éjaculation se traduit par un séronégatif sur trois contaminé au bout de 10 ans alors que 1% par an ne donne que 1 sur 10 au bout de 10 ans. Étant donné qu’il n’y a eu dans cette étude aucune contamination avérée dans les couples jusque là, la précision du résultat ne dépend que de la quantité de données. D’où l’intérêt de prolonger cette étude pour les groupes les plus petits.
Enfin, il s’agit là d’une démonstration faite pour des couples sérodifférents qui connaissent leurs statuts sérologiques réciproques et dont le séropositif est sous traitement avec une charge virale indétectable. Des contaminations ont eu lieu dans cette étude à cause de rapports sans préservatifs à l’extérieur du couple. Ce sont des données qui seront communiquées ultérieurement.