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Vacciner les hommes gays et bisexuels contre le virus du papillome humain (HPV)

par | 20.06.2013

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Chez les hommes, le Virus du Papillome Humain (HPV) est la première cause de cancer anal et est aussi associé avec d’autres cancers, comme le cancer du pénis et de la bouche. Ce virus est également la cause de nombreux condylomes. Depuis quelques années, des stratégies de préventions contre le HPV ont été mises en place, la vaccination des jeunes femmes étant considérée comme une priorité. Il a été récemment prouvé que le vaccin contre le HPV était aussi efficace chez les hommes.

Alors que la France ne prend toujours pas en charge et ne recommande pas la vaccination des hommes, d’autres pays comme les Etats-Unis la recommandent. Deux recherches quantitatives états-uniennes se sont intéressées aux facteurs ayant une influence sur l’intention des hommes gays et bisexuels d’être vacciné contre le HPV. En 2009, la première recherche a été menée auprès de 236 hommes gays et 70 bisexuels, âgés de 18 ans à 59. En 2010, la seconde recherche a été menée auprès de 149 hommes gays et 29 bisexuels, âgés de 18 à 29 ans.

Dans ces deux recherches, la plupart des HSH avaient déjà entendu parler du HPV, mais étaient peu informés des maladies liées à ce virus. Elles suggèrent de développer trois stratégies : informer les hommes gays et bisexuels des maladies liées au HPV, vacciner massivement les jeunes hommes avant leurs premiers rapports sexuels et vacciner les hommes gays et bisexuels plus âgés.

Introduction : détailler les termes du débat

Chez les hommes, le Virus du Papillome Humain (HPV) est la première cause de cancer anal et est aussi associé avec d’autres cancers, comme le cancer du pénis et de la bouche. Ce virus est également la cause de nombreux condylomes. Les Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes (HSH) connaissant des risques accrus de développer ce genre de cancers, car leur prévalence au HPV est élevée.

Depuis quelques années, des stratégies de préventions contre le HPV ont été mises en place, la vaccination des jeunes femmes étant considérée comme une priorité. Il a été récemment prouvé que le vaccin contre le HPV était aussi efficace chez les hommes. Comme pour les femmes, ce vaccin offre les meilleurs résultats s’il est administré avant les premiers rapports sexuels. La vaccination des jeunes hommes serait la stratégie de prévention du cancer de l’anus et des condylomes la moins couteuse. Par ailleurs, ce vaccin peut également être utile aux hommes déjà infectés par un type de HPV, afin de les protéger des autres types (il existe quatre types de HPV).

Alors que la France n’autorise toujours pas la vaccination des hommes, d’autres pays comme les Etats-Unis la recommandent. Deux recherches quantitatives états-uniennes se sont intéressées aux facteurs ayant une influence sur l’intention des hommes gays et bisexuels de recevoir le vaccin contre le HPV.

1ère recherche : Un échantillon états-unien d’hommes gays et bisexuels (18 à 59 ans)

La première recherche a été menée auprès d’hommes états-uniens âgés de 18 ans à 59 ans en janvier 2009. Il s’agissait d’une étude quantitative en ligne, que les hommes remplissaient eux mêmes. Sur les 874 hommes invités à participer, 609 ont complété le questionnaire. Parmi eux, 236 s’auto-identifiaient comme gays et 70 comme bisexuels.

La plupart des HSH interrogés (79 %) avaient entendu parler du HPV avant l’enquête. Pour mesurer leurs connaissances, neuf questions leur étaient posées. Ils devaient répondre si elles étaient correctes ou incorrectes. La plupart des hommes gays et bisexuels savent que le HPV est une infection sexuellement transmissible (74 %) et qu’elle représente une infection courante (74 %). 58 % pensent que le HPV cause des problèmes de santé aux hommes, 46 % qu’elle peut engendrer des condylomes, 32 % un cancer de l’anus et 28 % un cancer du pénis. 33 % pensent que le HPV peut cause de l’herpès génital alors qu’il s’agit d’une réponse incorrecte. Bien que les HSH interrogées sachent ce qu’est le HPV, peu sont au courant des conséquences que ce virus peut avoir sur leur santé.

Une analyse de régression a permis de révéler que les HSH rencontrés expriment un faible niveau de connaissances et de responsabilité par rapport aux maladies liées au HPV. Cependant, ils perçoivent généralement ces maladies comme étant graves et le vaccin comme étant un moyen efficace de les protéger. On remarque aussi un niveau élevé de regret anticipé s’ils ne se font pas vacciner et qu’ensuite ils contractent le HPV.

Alors que le tiers des HSH interrogés pensent que leur médecin leur recommanderait de recevoir le vaccin s’il était approuvé pour les hommes, près de la moitié ne sont pas sûr de la réaction de leur médecin. Par ailleurs, 73 % des participants gays et bisexuels ont déjà entendu parler du vaccin contre le HPV, 3 % ont déjà demandé à leur médecin de le recevoir.

74 % des HSH interrogés avaient l’intention de recevoir le vaccin contre le HPV. Cette volonté est plus forte chez ceux qui pensent ou ne sont pas sûr que leur médecin leur recommanderait. Elle est également plus forte chez ceux qui ont eu plus de 5 partenaires sexuels au cours de leur vie. De plus, ceux qui perçoivent les maladies liées au HPV comme plus grave, qui considèrent le vaccin comme plus efficace ou qui ont un regret anticipé plus fort s’ils ne se font pas vacciner et contractent le HPV ont une intention plus importante de se faire vacciner.

La plupart des participants à l’étude voulaient recevoir le vaccin contre le HPV, même si leur niveau de connaissance des conséquences du HPV sur leur santé était relativement bas. Cela suggère que les prochaines campagnes de prévention sur le HPV devraient ne pas se concentrer uniquement sur les modes de transmission, mais également mettre en avant les maladies liées au HPV et les moyens de réduire les risques de développer des cancers liés au HPV.

Il semble aussi important de réfléchir à une stratégie de vaccination massive des jeunes HSH. En effet, le vaccin est plus efficace quand il est administré avant les premiers rapports sexuels. Or, la plupart des HSH baisent avec d’autres hommes, avant de s’affirmer comme gays ou bisexuels. Les HSH n’ayant eu aucun rapport sexuel constituent donc une population très difficile à cibler, la vaccination des hommes en général avant leurs premiers rapports sexuels (comme c’est actuellement le cas pour les femmes) constitue une stratégie alternative.

Finalement cette recherche, comme plusieurs autres, suggère que l’intention de recevoir le vaccin augmente chez les hommes qui ont eu plusieurs partenaires sexuels. Étant donné que la plupart des HSH n’ont contracté aucun type de HPV, vacciner les hommes gays et bisexuels ayant déjà des relations sexuelles pourrait représenter une stratégie de santé intéressante.

2e recherche : un échantillon d’hommes gays et bisexuels du Sud-Est des Etats-Unis (18 à 29 ans)

La seconde recherche a été menée auprès d’HSH âgés de 18 à 29 ans qui vivent dans le Sud-Est des Etats-Unis. 149 gays et 29 bisexuels ont été interrogés entre septembre et décembre 2010, alors que le vaccin était rendu disponible pour les hommes. Le questionnaire quantitatif se remplissait en ligne. Le recrutement s’est effectué à travers des associations étudiantes appartenant à 23 campus différents, ainsi que par des sites Internet de rencontre.

36 % des hommes interrogés ont indiqué qu’ils souhaitaient recevoir le vaccin contre le HPV. Cette proportion augmente chez les participants non-blancs par rapport aux participants blancs (respectivement 49 % et 30 %), ainsi que chez les participants ayant obtenu l’équivalent d’une licence par rapport à ceux ayant un niveau d’étude plus faible (respectivement 48 % et 28 %). Les autres facteurs socio-démographiques comme l’âge, l’orientation sexuelle ou le statut relationnel n’ont pas d’influence sur l’intention de recevoir le vaccin.

Presque tous les HSH avaient entendu parler du HPV avant l’enquête (93 %). Pour mesurer leurs connaissances, quatorze questions leur étaient posées. Ils devaient répondre si elles étaient correctes ou incorrectes. En moyenne, les participants ont répondu correctement à 9 des 14 questions (64 %). Comme dans la première recherche, les hommes gays et bisexuels rencontrés ont moins de connaissances sur les maladies liées au HPV. Moins de la moitié des participants savent que le HPV peut causer des cancers de l’anus (43 %), de la bouche (39 %) et du pénis (31 %). Seulement un quart des HSH interrogés étaient au courant qu’un vaccin contre le HPV était disponible pour les garçons et les hommes.

Plusieurs facteurs ayant potentiellement une influence sur l’intention de se faire vacciner ont été mesurés, grâce à des échelles allant de 1 à 7. Bien que peu d’hommes gays et bisexuels interrogés aient l’intention de se faire vacciner, ils perçoivent l’infection au HPV et les maladies liées comme étant un problème sérieux (Moyenne=6.31). Ils ont également tendance à avoir une attitude positive face au vaccin (M=5.54) et à percevoir le vaccin comme bénéfique (M=5.15). Les normes de leur entourage aurait une influence modérée sur leur intention de se faire vacciner (M=4.70), de même que leur autocontrôle (M=4.23). Ces différents facteurs ont une influence positive sur l’intention de se faire vacciner. D’autres facteurs ont une influence négative, comme les barrières qui préoccupent les participants : le cout financier (M=5.17) et les effets secondaires (M=4.72).

Conclusions

Ces résultats suggèrent qu’augmenter les connaissances des hommes gays et bisexuels sur le HPV et les maladies qui y sont liées pourraient augmenter leur intention de recevoir le vaccin, en mettant en lumière les aspects bénéfiques sur leur santé. Les activités d’intervention devraient aussi se concentrer sur la minimisation des barrières liées au cout du vaccin.

La première étude révèle que plus les HSH ont déjà eu de partenaires sexuels, plus ils ont l’intention de recevoir le vaccin contre le HPV. Une autre étude a montré que 70 % des jeunes HSH sexuellement actifs sont négatifs aux quatre types de HPV. Mener une campagne de vaccination auprès des hommes gays et bisexuels ayant déjà eu des partenaires sexuels semble représenter une stratégie plus efficace, qu’uniquement se concentrer sur les jeunes HSH n’ayant pas encore eu de rapport sexuels.

Sources :

Reiter P., Brewer N. T., McRee A.-L., Gilbert P. et J. S. Smith (2010). Acceptability of HPV Vaccine Among a National Sample of Gay and Bisexual Men. Sexually Transmitted Diseases, vol. 37, no 3, p. 197-203.

Wheldon C. W., Daley E. M., Buhi E. R., Nyitray A. G. et A. R. Giuliano (2011). Health beliefs and attitudes associated with HPV vaccine intention among young gay and bisexual men in the southeastern United States. Vaccine, vol. 29, p. 8060– 8065.

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Ces deux recherches démontrent que rendre le vaccin contre le HPV accessible aux hommes gays et bisexuels en France est nécessaire et urgent. En effet, celui-ci pourrait permettre d’éviter de nombreux cancers de l’anus, de la bouche et du pénis, et de limiter le développement de condylomes. Les pouvoirs publics français devraient développer une campagne de sensibilisation auprès des HSH sur les maladies liées au HPV, ainsi que mener une campagne de vaccination auprès des jeunes hommes en général, mais également auprès des hommes gays et bisexuels de tout âges.