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Séropositivité, charge virale et sexe non protégé : évolutions et tendances

par | 04.10.2011

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Dans les pays occidentaux, on a pu observer une augmentation constante du nombre de rapports sexuels non protégés, notamment chez les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes).
Le but de l’étude est de voir les tendances qui se dessinent au cours du temps chez les patients infectés vis-à-vis de la prévention, et de voir quels sont les facteurs qui ont influencé cette augmentation des rapports non protégés en fonction des groupes de population et de la charge virale des patients.

L’équipe part d’un constat : depuis 2000 il est de plus en plus avéré que plus la charge virale est faible moins la personne infectée est potentiellement contaminante ; à partir de là, les chercheurs ont voulu déterminer si la diffusion de cette information avait eu, dans la durée, une influence sur l’augmentation des rapports à risque de transmission du VIH et, dans ce cadre, sur le choix des partenaires ou si d’autres facteurs continuaient de rester déterminants.
Il était donc crucial de mener une étude de longue durée afin de pouvoir offrir un schéma évolutif sur le long terme des rapports entre les différents facteurs pouvant favoriser des rapports non protégés, et notamment le rapport éventuel entre la connaissance de la charge virale et son influence sur l’évolution du comportement sexuel.

L’enquête conclue que pour les hommes hétérosexuels la connaissance et la nature (indétectable, faible, forte) de la charge virale semble avoir une réelle influence sur les rapports sexuels non protégés, tandis que chez les femmes hétérosexuelles et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) la question de la charge virale semble avoir eu peu voire pas d’influence sur le comportement vis-à-vis de la prévention.

Détails et analyse de la méthode employée

L’étude a été menée entre 2000 et 2009, période au cours de laquelle 967 patients ont répondu à des questionnaires auto-administrés comptabilisant un total de 6656 visites.

La cohorte Primo de l’ANRS

Les 967 patients ont été prélevés dans la cohorte primo de l’ANRS : cette cohorte regroupe 1054 patients de 85 hôpitaux français différents, enrôlés entre juin 1996 et décembre 2009 au moment de leur primo-infection au VIH, qu’ils aient ou non des symptômes. Au moment de leur entrée dans la cohorte, les patients déclarent et enregistrent leur préférence sexuelle.
Ainsi, les 967 patients sélectionnés pour la présente étude sont répartis comme suit : 155 femmes hétérosexuelles ; 142 hommes hétérosexuels et 670 HSH. L’âge médian de la cohorte est de 35 ans au moment de l’enrôlement et 94% des patients ont contracté le virus par voie sexuelle. La présence moyenne de chaque patient dans la cohorte a été de 43 mois.

Le suivi de la cohorte

Les patients subissent un examen médical (physique et biologique) au moment de l’enrôlement dans la cohorte puis à M+1, M+2, M+3 et M+6, puis tous les six mois.
À partir de la visite M+3, les patients sont interrogés sur leurs comportements sexuels :

 

  • nombre de partenaires sexuels avec pénétration anale ou vaginale depuis la dernière visite ;
  • sexe du, de la ou des partenaires
  • statut sérologique du, de la ou des partenaires : négatif, positif ou inconnu
  • statut du, de la ou des partenaires : stable ou occasionnel
  • usage du préservatif : jamais, parfois, souvent ou toujours.

À partir de 2000, les questionnaires sont des questionnaires auto-administrés : les patients les remplissent seuls hors présence de leur médecin. Cela a permis de constater, entre les résultats de 1996 à 2000 et les résultats depuis 2000 une différence significative dans le report de rapports non protégés avec un partenaire occasionnel, puisqu’on passe de 6,6% à 20,3% alors qu’avec un partenaire stable les données ne changent pas entre ces deux méthodes. A ce titre, l’équipe n’a pris en compte que les questionnaires auto-administrés.

Méthode statistique

L’équipe a, dans un premier temps, étudié les rapports sexuels non protégés, c’est-à-dire avec pénétration anale ou vaginale sans usage du préservatif, quel que soit le statut sérologique du partenaire.
Elle s’est ensuite concentrée sur les comportements sexuels à risque de transmission du VIH, c’est-à-dire des rapports sexuels avec pénétration anale ou vaginale sans usage du préservatif avec un(e) partenaire séronégatif(ve) ou au statut sérologique inconnu.
L’analyse a été menée en séparant trois groupes de population : les hommes hétérosexuels, les femmes hétérosexuelles et les HSH. Etant donné que chez les hétérosexuels (hommes ou femmes) très peu de patients ont fait état de rapports sexuels à risque de transmission du VIH avec un(e) partenaire occasionnel(lle) (7% pour les hommes et 14% pour les femmes), l’étude n’a été menée que pour les rapports sexuels à risque de transmission avec un partenaire stable. Contrairement aux HSH qui font état de façon significative des deux comportements, puisque 47% des patients en moyenne pour chaque période déclarent avoir eu au moins un rapport sexuel à risque de transmission du VIH avec un partenaire occasionnel : à ce titre, pour les HSH, l’étude a été menée sur les rapports à risque avec un partenaire stable et sur les rapports à risque avec un partenaire occasionnel.
La proportion de comportements à risque de transmission du VIH a été calculée en fonction du nombre de visites auxquelles chaque patient a déclaré avoir eu au moins un rapport sexuel à risque : autrement dit, les pourcentages donnés indiquent la proportion de patients qui, au cours de la visite, on fait état d’au moins un rapport à risque dans les six derniers mois.

 

Les facteurs associés aux comportements à risque de transmission du VIH fixés par l’équipe de chercheurs et soumise aux patients de la cohorte par les questionnaires sont :

  • l’âge
  • le niveau d’éducation
  • la consommation de tabac
  • la charge virale
  • le compte de lymphocytes CD4+
  • le statut par rapport aux traitements : multithérapie antirétrovirale en cours dans les 6 mois courants passés ou absence de traitement depuis au moins 6 mois courants.
  • la présence ou non de lipodystrophies.
  • l’alcool (étudié seulement à partir de 2002).

Résultats obtenus

Pour l’étude des résultats, l’étude a été divisée en trois sous périodes : 2000-2002 ; 2003-2005 ; 2006-2009).

Résultats généraux et comparés

  • Dans les trois groupes étudiés, l’équipe de recherche a constaté la même proportion de partenaires stables. Pour 41% des femmes, le partenaire stable était également séropositif, alors que cette proportion est nettement moindre pour les deux populations masculines : 20,6% chez les hétérosexuels et 34% chez les HSH.
  • Le sexe non protégé est plus présent chez les femmes (33,7 %) que chez les hommes (20,1% pour les hétérosexuels et 29,5% pour les HSH).
  • Les comportements à risque de transmission du VIH sont aussi fréquents dans les trois groupes : 12% pour les femmes, 9,3% pour les hommes hétérosexuels et 10,3% pour les HSH. Notons cependant que pour les HSH, les comportements à risque avec un partenaire occasionnel sont deux fois plus nombreux qu’avec un partenaire stable (21,2% des visites).
  • Le non usage systématique du préservatif ne concerne que très peu de patients : avec un partenaire stable cela concerne 4,1% des femmes, 2,5% des hommes hétérosexuels et 2,1% des HSH ; avec des partenaires occasionnels cela concerne 1,8% des HSH.

Tendances calendaires générales

Le but de la recherche était donc d’étudier sur la durée les comportements sexuels de personnes séropositives afin de dégager des tendances fortes et d’éventuelles évolutions vis-à-vis de la prévention et de la question de la transmission du VIH.

  • La proportion de patients sexuellement actifs a augmenté : en 2000, 80,5% des patients rapportaient au moins un rapport sexuel depuis la dernière visite ; en 2009, ils étaient 85%.
  • Sur la même période, le nombre de patients relatant au moins un rapport non protégé dans les six derniers mois est passé de 19,5% à 36%.
  • La proportion de patients traités a, quant à elle, diminué : en effet, c’est sur la période 2000-2009 que les patients en primo-infection ont cessé d’être automatiquement mis sous traitement. Ainsi elle est passée de 76,8% en 2000 à 41,1% en 2005 pour repasser à 66,3% en 2009 (notamment parce que les protocoles de soin français ont recommandé d’éviter de multiplier les interruptions de traitement).

Tendances calendaires concernant les rapports à risque de transmission du VIH

L’évolution des comportements avec risque de transmission du VIH est très différente selon le sexe et les préférences sexuelles. – Chez les femmes, le nombre de rapports à risque avec un partenaire stable n’a pas significativement changé entre les trois périodes. – Chez les hétérosexuels, la proportion de comportements à risque avec une partenaire a en revanche presque doublé depuis le milieu des années 2000 : de 8% en 2006 à 16,7% en 2008. – Chez les HSH, la fréquence des comportements à risque de transmission du VIH avec un partenaire stable a également augmenté de façon importante ; néanmoins cette augmentation est plus ancienne : une hausse quasi constante est constatée depuis 2000 : de 5,4% cette année là, on passe à 11,7% en 2009. La fréquence des comportements à risque de transmission du VIH avec un partenaire occasionnel suit la même courbe également ascendante et continue : de 16,9% en 2000 à 22,7% en 2009.

Étude des facteurs pouvant conduire à des rapports à risque de transmission du VIH

– Concernant les femmes, les principaux facteurs sont le niveau d’éducation (plus il est bas plus les rapports à risques sont fréquents), l’alcool et le tabac. En revanche aucun rapport n’a pu être décelé entre les comportements à risque de transmission du VIH et la charge virale ou la prise de traitements. – Chez les hétérosexuels, les comportements à risque ont donc considérablement augmenté depuis 2006. Si le lien entre comportements à risque et charge virale est très variable sur toute l’étendue de la période de l’étude, depuis 2006 il semblerait que les rapports à risque concernent davantage des hommes avec une charge virale basse (en dessous de 400 copies/ml) ou qui prennent des traitements depuis au moins 6 mois.

– Chez les HSH, la fréquence des comportements à risque de transmission du VIH avec un partenaire stable ou occasionnel a progressé de façon constante depuis 2000 et ne semble pas pouvoir être associé à une charge virale faible ou à la prise de traitements. Pour les comportements à risque avec un partenaire stable il semblerait que le faible niveau d’éducation et l’usage d’alcool soient les deux principaux facteurs déterminants que l’on puisse désigner. Pour les comportements à risque avec un partenaire occasionnel, ils apparaissent essentiellement chez des patients ayant déclaré plus de 5 partenaires lors de la précédente visite et la présence de lipodystrophies.

Conclusion

L’équipe note, entre autres conclusions, que les données récoltées permettent de constater que la persistance d’un très haut risque de transmission du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes n’est pas seulement due aux personnes ignorant leur séropositivité (donc en primo infection et très hautement contaminantes) mais également à des personnes au courant de leur séropositivité comme les cas qui ont pu être observés dans leur étude. A ce titre, l’équipe préconise de réfléchir à la question du « traitement comme prévention », au moins pour cette population dont les comportements sexuels présentent de très hauts risques de diffusion du VIH.

Source :
Trends in unsafe sex and influence of viral load among patients followed ince primary HIV infection, 2000–2009
Rémonie Seng, Matthieu Rolland, Geneviève Beck-Wirth, Faouzi Souala, Christiane Deveau, Jean-François Delfraissy, Cécile Goujard, and Laurence Meyer
AIDS 2011, 25:977–988
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Notes de la rédaction

  • La présente étude s’arrêtant en 2009, elle ne peut guère prendre en compte l’impact de l’avis suisse sur la transmission du VIH chez les personnes séropositives dont la charge virale est contrôlée et la diffusion / réception souvent partielle de ses conditions, résultats et conclusions.

  • L’étude étant essentiellement quantitative, elle ne permet pas réellement d’aboutir à des conclusions comportementales éclairantes et probantes.

  • L’équipe insiste uniquement sur l’idée du « traitement comme prévention » et ne tente pas réellement d’envisager d’autres interventions de prévention possible.

  • En revanche, l’étude permet de mesurer de façon assez certaine que, pour un nombre croissant de séropositifs, la contamination éventuelle d’un partenaire semble avoir été largement banalisée même si cette banalisation reste minoritaire dans l’ensemble.